USA : analyse du dénigrement constant de la vape


 

Clive Bates

Clive Bates est consultant en santé publique. De 1997 à 2003, il a été directeur d’Action on Smoking and Health (Royaume-Uni), qui fait campagne pour réduire les méfaits du tabac. En 2003, il a rejoint l’unité stratégique du Premier ministre Blair en tant que fonctionnaire et a occupé des postes à responsabilité dans le secteur public et pour les Nations Unies au Soudan. Il est aujourd’hui directeur de Counterfactual, un cabinet de conseil et de plaidoyer axé sur une approche pragmatique de la durabilité et de la santé publique.

Dans son blog, Clive écrit des articles régulièrement sur le sujet du tabagisme et de ses conséquences, tant du point de vue scientifique que politique. Son dernier article, datant du 3 février 2022, pose un constat amer sur la politique antivape aux USA avec, pour conséquence, une perception de plus en plus erronée de la vape auprès du grand public. Evidemment, les conséquences de cette désinformation massive se répercute sur la prévalence tabagique outre-atlantique.

Traduction intégrale de l’article ici


La perception de la vape de plus en plus mauvaise aux USA

A partir de l’étude HINTS, Clive Bates a établi un graphique mesurant cette perception pour 2014, 2017 et 2020. Le constat est accablant. Au fur et à mesure des années, la part de la population américaine considérant la vape comme plus nocive ne fait qu’augmenter. Comment en est-on arrivés là ?

Perception du risque vape USA 2014-2020

Qui dénigre la vape aux USA ?

On pourrait penser que le dénigrement du vapotage est le fait de quelques illuminés dont la parole influencerait le public via les réseaux sociaux ou les sphères complotistes, mais en fait, c’est pire que ça. Les plus hautes autorités de santé publique ne sont pas en reste. Citons par exemple : les CDC1, l’AHA2, l’ACS3, l’ALA4 et l’ATS5. Au-delà de ces institutions, l’influence financière de la FDA6/NIH7 et Bloomberg Philantropies fait des ravages, et ce, jusqu’à l’OMS.

  1. Centers for Disease Control
  2. American Heart Association
  3. American Cancer Society
  4. American Lung Association
  5. American Thoracic Society
  6. Food and Drug Administration
  7. National Institutes of Health

Les arguments poussés par les anti-vape aux USA

Plusieurs arguments fallacieux sont avancés par les anti-vape américains. 

Epidémie EVALI attribuée à la vape dans son ensemble

L’épidémie EVALI est le doux nom que les CDC ont donné à la vague de graves lésions pulmonaires observée en août/septembre 2019 aux USA. Cette « épidémie », on le sait depuis longtemps, était due à l’ajout, par des vendeurs à la sauvette, d’acétate de vitamine E dans des e-liquides au THC contrefaits et illicites. A aucun moment les e-liquides à vapoter standards ne furent et ne sont concernés. Le problème a parfaitement été identifié et n’était plus d’actualité début 2020. Cette vague s’est arrêtée d’elle-même car les trafiquants ont cessé l’ajout de l’agent huileux ou ont été arrêtés. Pourtant, les CDC continuent, encore aujourd’hui, à entretenir la confusion.

Etudes à charge

Sur ce point, on touche à un problème insidieux. Après des décennies de lutte contre le tabagisme, les militants anti-tabac et les universitaires n’ont eu de cesse de démontrer les méfaits du tabagisme. A partir de là, et lorsque l’on a consacré autant de temps et d’énergie dans cette lutte, le risque de biais de confirmation devient particulièrement prégnant. La conséquence est une interprétation des études, au mieux, erronée, au pire, délibérément falsifiée pour correspondre à un dogme vissé dans les esprits depuis très longtemps. Si on ajoute à cela les bailleurs de fonds hygiénistes comme la fondation de Michael Bloomberg, on se retrouve à tout simplement nier toute solution pouvant régler un problème sur lequel on bâti toute sa carrière. Et les exemples de chercheurs dans ce cas ne sont pas si isolés que cela.

L’un des biais de confirmation bien connu est de ne pas mesurer l’effet de seuil. Pourtant, cet aspect se résume en une seule phrase attribuée au médecin Paracelse : « tout est poison, rien n’est poison, seule la dose fait le poison ». Et cela date du 16e siècle. Dès lors, si l’on voit apparaître une molécule suspecte dans une analyse, il est facile de dire que quelque chose est toxique si on ne compare pas les seuils et surtout, pour ce qui nous concerne, si l’on ne compare pas avec la fumée de tabac. Autre biais courant, c’est d’attribuer les conséquences d’un tabagisme passé à un vapotage actuel.

« Il est incroyablement fastidieux qu’il soit encore nécessaire de rappeler l’évidence. Mais la chimie, la physique et la biologie des processus en cause font que les produits sans fumée non-combustibles seront inévitablement beaucoup moins risqués que les cigarettes ».

Comparaison systématique avec le tabac fumé

Depuis le début de l’arrivée de la vape dans le monde,  on ne cesse de dire que le vapotage et le tabagisme sont les deux faces d’une même pièce. Et cela, principalement à cause de la présence de nicotine. Cette confusion est savamment entretenue par des anti-vape qui ne font même pas l’effort de garder un esprit rationnel. Non et non, la nicotine n’est pas cancérigène. Pourtant, il subsiste encore des médecins qui le croient. Dans ce cas, que dire des substituts pharmaceutiques ? Sont-ils cancérigènes aussi ? Evidemment non. C’est pourtant très simple à comprendre. De même, la nicotine est toujours considérée comme une drogue dure ; confondant en cela l’addiction au tabac fumé et la relative dépendance à la nicotine. La vape permet également de conserver une gestuelle et un visuel pouvant être aisément confondus avec le tabagisme si l’on ne fait pas l’effort de distinguer vapeur et fumée. Encore faut-il l’admettre et le comprendre.

Comparaison entre Big T et les anti-vape

Les géants du tabac ont tout fait pour minimiser, voire masquer les conséquences du tabagisme. Ce n’est un secret pour personne, une entreprise est là pour faire de l’argent, quitte à mettre à mal la santé publique. Ainsi, Big Tobacco était qualifié de « marchand de doute ». Un qualificatif largement mérité. Aujourd’hui, l’évidence ne peut plus être contestée et Big Tobacco fait le dos rond ; et c’est un euphémisme. La guerre menée contre les géants du tabac a fini par faire plier un lobby d’une rare puissance. C’est très bien et il faut s’en féliciter. 

Le problème que l’on constate aujourd’hui, c’est que les marchands de doute ont changé de camp. La lutte anti-tabac est devenue une idéologie et cristallise toutes les haines contre tout ce qui ressemble, même de très loin, à une cigarette. Cette idéologie met à mal un principe simple qui s’appelle la Réduction Des Risques. Les années de lutte contre le tabac a perverti les esprits de celles et ceux qui ont œuvré pour cette lutte. Ainsi, la vape a été considérée, dès le départ, comme une nouvelle charge de Big Tobacco pour re-capter les clients/fumeurs perdus depuis des décennies. Rien n’est plus faux. 85% du marché de la vape est indépendant du monde du tabac. Et quand bien même, les géants du tabac fabriquent de la vape, ca reste de … la vape.

Comparaison du traitement de l’info USA vs UK

Clive Bates compare le traitement et la diffusion d’informations sur le vapotage entre USA et Grande Bretagne. Pour faire simple, on est à l’opposé. Les anglais sont très pragmatiques. Ils ont vu, depuis très longtemps, le potentiel de la vape dans la santé publique. Nos voisins d’outre-Manche analysent les données tout à fait rationnellement et logiquement. A partir de méta-analyses, les autorité de santé anglaises ont établi un facteur de risque diminué d’au moins 95% entre tabac fumé et vapotage. Ces données sont réévaluées tous les ans et ne varient pas depuis 2015. 

Dans son article, Clive Bates cite 4 institutions anglaises démontrant la différence de rigueur et d’analyse comparée aux institutions américaines :

  • NHS (National Health Service)
  • Cancer Research UK
  • British Lung Foundation
  • British Heart Foundation

Conclusion

Aujourd’hui, la perception du vapotage aux USA est de plus en plus mauvaise. Les chiffres de l’enquête HINTS sont sans ambiguïté. Le pire, dans tout cela, c’est que ces campagnes incessantes de dénigrement contaminent le monde entier, via l’OMS. Les institutions prestigieuses, citées dans l’article, possèdent une influence et une aura indéniables sur la population. Et on peut le comprendre. C’est pourquoi il apparaît plus qu’indispensable que les organismes agissant dans la santé publique soient au-delà de l’irréprochable. Or, on constate amèrement que c’est loin d’être le cas outre-atlantique. Biais de confirmation, volontaires ou non, idéologies et lobbying sont de mise au pays de l’Oncle Sam, trompant en cela toute sa population. En entretenant la confusion, les institutions dénigrant le vapotage découragent le fumeur à basculer vers une alternative bien plus saine. Avec la lutte légitime contre l’industrie du tabac, il s’est formé une défiance du public qui se reporte sur la vape. Et rien n’est fait pour distinguer les deux. Bien au contraire

Cela met à mal la lutte contre les ravages du tabagisme et la chute de la prévalence tabagique américaine, pourtant spectaculaire avec l’arrivée de la vape, pourrait connaître un sérieux coup d’arrêt. Le pire dans cette affaire, c’est que le dénigrement de la vape aux USA fait tâche d’huile et atteint quasiment toutes les populations ; y compris au Royaume-Uni.

Source : https://clivebates.com/e-cigarette-risk-perceptions-an-american-crime-scene/