Étude : réduire le tabagisme en psychiatrie avec la vape


 

Le tabac reste la principale cause de mauvaise santé physique et de mortalité accrue dans le milieu psychiatrique. De par notre mission quotidienne, nous l’avons déjà beaucoup constaté. Une étude anglaise, parue en 2018 dans le Cambridge University Press, se propose de mesurer l’utilité de l’apport de la vape pour cette population avec, comme objectif, la réduction des risques. Lecture de l’article traduit ici.


Méthode

Pour cette étude, cinquante fumeurs souffrant de troubles psychotiques furent inscrits parmi 248 personnes sélectionnées au départ. Les critères de sélection étaient au nombre de 4 :

  1. Âge de 18 à 70 ans
  2. Fumeur quotidien et ne souhaitant pas arrêter prochainement
  3. Niveau de CO > à 50ppm
  4. Diagnostic clinique établi de schizophréniforme, schizophrénie, trouble schizo-affectif ou trouble bipolaire ou fréquentant un service de détection précoce dans un état à haut risque

Les critères d’exclusion étaient au nombre de 12 (voir la traduction de l’étude jointe dans l’article).

Déroulement

Les participants à l’étude ont reçu des e-cigarettes arôme tabac en quantité équivalente à 1,5 fois leur consommation quotidienne de tabac ; et ce, pendant 6 semaines. Les dispositifs étaient de type jetable et dosés à 45mg/ml de nicotine. La raison du choix d’une modèle jetable est la facilité d’usage pour une initiation et la relative similitude avec une cigarette. Les participants ont été évalués puis ont reçu une formation sur le fonctionnement de leur e-cig. Ils n’étaient pas tenus de cesser totalement de fumer, mais vivement encouragés à remplacer la tabac fumé par la vape. Aucun soutien comportemental n’a été prodigué lors de l’étude. Après la période d’intervention de 6 semaines, 4 semaines furent consacrées à revoir les participants afin de les encourager à continuer de vapoter. On les a alors informé des endroits où ils pouvaient se fournir en dispositifs. Une évaluation finale eu lieu au bout de 24 semaines.

Résultats

Pendant les 6 semaines de distribution gratuite

La mesure a montré une réduction significative du nombre de cigarettes fumées quotidiennement. Le niveau de CO expiré avait significativement diminué et une tendance à la réduction de la concentration de cotinine urinaire a été observée. A la fine de la période, 37% des participants avaient réduit le nombre de cigarettes par jour de plus de 50%. 7% avaient déclaré avoir totalement arrêter de fumer.

4 semaines après la distribution gratuite

L’utilisation de la vape a considérablement diminué lors de cette période. Cependant, l’utilisation de la cigarette à la semaine 10 était toujours significativement plus faible qu’au départ de l’étude. Le niveau de CO était également plus faible. Idem pour la concentration urinaire de cotinine. A la semaine 10, 26% des participants avaient réduit leur tabagisme quotidien de plus 50% ; 5% se déclaraient fumeurs non-quotidiens.

24 semaines après le début de l’étude

Malgré la baisse significative de l’utilisation de la vape après la semaine 6, la réduction du nombre de cigarettes fumées par jour est restée également significative à la semaine 24. Une réduction significative des niveaux de CO était encore évidente à la semaine 24. A ce stade de l’étude, 25% des participants avaient réduit le nombre de cigarettes fumées par jour de plus de 50%. Un participant était devenu fumeur non-quotidien et un autre avait totalement arrêté.

Les raisons pour lesquelles les participants ont arrêté de vapoter après les 6 semaines de distribution gratuite sont diverses. La majorité a déclaré que c’était pour raisons financières. Ceci tendrait à démontrer que l’addiction au tabac fumé est si prégnante que le budget cigarette n’est pas vraiment pris en compte/ Pourtant, il est un fait que vapoter revient beaucoup moins cher. D’autres personnes déclaraient un manque de temps ou un manque d’envie d’acheter une vape. Là aussi, la force de l’habitude doit certainement jouer du fait qu’aller acheter une vape ne prend pas plus de temps et ne présente pas plus de contraintes que d’acheter une e-cigarette. On change juste de magasin. En plus petites proportions, des participants disaient que les magasins n’avaient plus de stock, qu’ils cherchaient un achat futur ou qu’ils préféraient les cigarettes conventionnelles. Un minorité, enfin, a déclaré vouloir arrêter les deux modes de consommation ou qu’ils n’aimaient pas le goût et l’odeur ou que les effets de la nicotine n’étaient pas les mêmes. Certains ont ressenti des effets indésirables.

Pourtant, à la semaine 6, 41,3% des participants déclaraient qu’ils aimeraient utiliser davantage la vape et moins la cigarette conventionnelle. De même, 82,6% percevaient la vape comme moins nocive que les cigarettes.

Conclusion

L’étude montre que la réduction du tabagisme est significative dès lors que les candidats à la défume sont suivis et encouragés. C’est encore plus vrai avec des personnes atteintes de troubles mentaux. La réduction du tabagisme est d’ailleurs cohérent avec les résultats d’études sur les populations générales. Malgré la chute d’utilisation après les 6 semaines de distribution gratuite, une réduction de la consommation de tabac fumé a été maintenue.

Malgré les limites de l’étude, l’échantillon des participants diagnostiqués comme souffrant de troubles mentaux graves était bien représentatif. De plus, le taux de perte de suivi était faible avec une population difficile à engager. La population étudiée comprenait de gros fumeurs, pas spécialement motivés à arrêter de fumer et avec des antécédents de tentatives ratées. Pour autant, les résultats de cette étude pilote suggèrent que la vape peut être un moyen utile de réduction des risques parmi les fumeurs diagnostiqués avec une maladie psychotique. Ce résultat a été obtenu sans exacerbation des symptômes psychotiques ni modification des symptômes respiratoires.

Source : A pre-post pilot study of electronic cigarettes to reduce smoking in people with severe mental illness