Encadrement de la vape aux USA : nécessité d’une approche équilibrée


 

La chasse au vapotage s’intensifie aux Etats-Unis. Entre défenseurs de la vape et prohibitionnistes patentés, la lutte ne se calme pas avec les années. Les lois fédérales puis de certains états se sont durcies ces dernières années. Dans un article paru le 22 juillet dernier dans le JAMA*, des chercheurs du Center for Tobacco Studies et de la School of Public Health du New Jersey ont plaidé en faveur de la nécessité d’aller vers une approche équilibrée de l’encadrement de la vape aux Etats-Unis.

*Journal of the American Medical Association


Le contexte

Les auteurs de l’article citent une étude de Boakye et al1 et relèvent que l’usage de la vape actuel (30 derniers jours) a changé depuis 2018. Entre 2018 et 2020, l’usage a légèrement diminué et principalement associée à une plus forte baisse chez les personnes âgées de 18 à 20 ans. Ce qui semble être une bonne chose. En revanche, l’utilisation quotidienne de la vape a augmenté au cours des trois années de 2017 à 2020. L’augmentation la plus forte a été observée chez les jeunes adultes de 21 à 24 ans. De plus, la prévalence a augmentée de manière significative chez les non-fumeurs ; elle n’a pas varié pour les fumeurs actuels et a diminué pour les fumeurs ayant tenté un arrêt au cours de l’année écoulée.

La réduction substantielle chez les jeunes adultes est probablement due à la loi Tobacco to 21 Act. Cette loi, actée en janvier 2020, vise à interdire la vente de produits délivrant de la nicotine aux personnes de moins de 21 ans ; y compris les e-cigarettes. Selon les auteurs de l’article, cette réduction importante dans cette tranche d’âge pourraient également être due à l’interdiction des arômes autres que tabac et menthe dans les dispositifs à cartouches promulguée en février 2020. Précisons que cette interdiction ne concerne pas (pas encore du moins) les systèmes ouverts et est applicable au niveau fédéral. Chaque état, voire même municipalité, peut renforcer les lois fédérales. Enfin, les mesures de confinement et de distanciation sociale, liés au COVID-19, auraient pu jouer un rôle dans la possibilité d’utiliser la vape dans un contexte social ou de groupe.

La baisse de consommation des 18-20ans a de quoi satidfaire les autorités de santé américaines. Mais si l’on regarde de plus près, y-a-t’il vraiment de quoi se réjouir ?

Restons rationnels

A la lumière de ces données, les auteurs de l’article soulignent qu’une approche équilibrée des politiques de santé publique est nécessaire. Des conclusions trop hâtives pourraient affecter toute la santé publique. Pour cela, il y a deux axes importants à prendre en compte :

  1. L’initiation à la vape pour les plus jeunes.
  2. L’apport de la vape pour les fumeurs actuels et quotidiens

Si l’inquiétude de voir la tranche 21-24 ans peut sembler justifiée, que dire de la stagnation de consommation chez les fumeurs actuels ? Sans parler de la diminution chez les fumeurs ayant tenté d’arrêter au cours de l’année écoulée. Cela voudrait dire qu’au cours des cinq dernières années, les e-cigarettes sont devenues moins attrayantes pour les fumeurs de tabac combustible. Comment expliquer cette tendance au découragement ? Les auteurs de l’article évoquent trois pistes. La première est que les politiques nationales et locales, visant à réduire le vapotage chez les jeunes, peut se traduire par une diminution de l’intérêt des fumeurs actuels. Deuxièmement, on peut évoquer le rôle des médias dans la perception néfaste de la vape auprès du grand public. Ceux-ci n’ont eut de cesse de parler des risques du vapotage pour les jeunes sans parler des avantages pour les fumeurs. Troisièmement, les groupes de santé publique et/ou les professionnels de santé ont également pu accentuer le problème, à l’instar des médias.

Si la tendance se poursuit, c’est toute la santé publique qui risque d’en pâtir en perdant une occasion précieuse de réduire les méfaits du tabac combustible. Les auteurs évoquent alors les fameuses procédures d’autorisations concernant les produits de la vape par la FDA comme piste d’amélioration de la perception de la vape. Sur ce point, nous constatons que ça n’en prend pas le chemin. Dans le but d’améliorer l’acceptation et la confiance des fumeurs, des stratégies d’éducation à la santé publique et le changement de discours des médias de masse pourraient être mises en œuvre. En se basant sur les résultats fondés sur les preuves, la communication globale permettrait de montrer aux fumeurs tout l’intérêt d’une consommation à moindre risque. En gros, les auteurs de l’article voient ce qui se passe au Royaume-Uni et constatent les dérives ubuesques des politiques de santé publiques américaines. En France, la vape reste relativement bien acceptée et encouragée par les professionnels de santé. Nous en sommes la preuve à La Vape Du Cœur. Cependant, les politiques frileuses (et parfois hostiles) de l’Union Européenne ne nous permettent pas de déployer la vape comme elle devrait l’être.

Conclusion

On le voit, le problème n’est pas si simple. D’un côté, la nécessité de promouvoir la vape pour les fumeurs est un enjeu de santé publique. De l’autre, on peut craindre une recrudescence de l’initiation pour les jeunes avec la perspective de passage au tabac fumé plus tard. Cette dernière crainte est à relativiser. Combien de jeunes ayant tenté la vape sont passés au tabac combustible ? En France, on le sait, la proportion est très faible. Et pas qu’en France. Derrière tout cela, on peut voir l’éternelle terreur de la diabolique nicotine et de sa dépendance. Mais là aussi, nous sommes face à des peurs irrationnelles. L’addiction à la cigarette ne se résume pas à la dépendance nicotinique. Sinon, le problème eût été résolu il y a 40 ans avec les substituts pharmaceutiques.

Par effet de boomerang, ces craintes privent les fumeurs d’une porte de sortie en les décourageants d’essayer un dispositif de consommation de nicotine à moindre risques. Entre les groupes de pression marchands de doutes et des médias paresseux préférant le titre racoleur à la rigueur scientifique, tout est fait pour encourager le fumeur à rester dans ses habitudes. Malheureusement, à part au Royaume-Uni, force est de constater le manque de clairvoyance des autorités de santé dans le monde. Il faut dire que nous ne sommes pas aidés par les errements de l’OMS dont on sait les problèmes d’influences. En tout état de cause, c’est aux autorités de santé nationales de prendre le taureau par les cornes et de définir une politique de santé publique globale, cohérente et claire, basée sur les preuves et non les opinions et les intérêts plus ou moins avouables des uns et des autres.

 

Source : Importance of a Balanced Public Health Approach When Assessing Recent Patterns in the Prevalence of Adult e-Cigarette Use in the US

1Assessment of Patterns in e-Cigarette Use Among Adults in the US, 2017-2020