Le CSS est le Conseil Supérieur de la Santé en Belgique. Malgré la relative hostilité de la Commission Européenne et sa proximité dans la capitale belge, les autorités de santé du Plat-Pays ont revu leur avis datant de 2015 sur le vapotage dans la politique de réduction de la prévalence. Contre toute attente, la Belgique se range du côté des anglais et se révèle moins frileuse que la France si l’on se réfère aux dernier rapport du HCSP, l’équivalent français du CSS. Ce long rapport de 178 pages, plutôt exhaustif, s’articule autour de 5 parties. Vous pouvez consulter ce rapport au format PDF ici.
Messages clés
L’avis du CSS part sur un postulat de base découpé en trois partie :
- Le risque relatif du vapotage par rapport à ne pas fumer n’est pas nul. Les e-liquides contiennent de nombreuses substances dont on ne connait pas la toxicité par inhalation et les données à long terme manquent encore. C’est pour cela que la vape n’est pas recommandée pour les non-fumeurs, en particulier les jeunes. NDLR : Le dernier point enfonce un peu les portes ouvertes. Pour le long terme, nous n’avons effectivement pas 30 ans. En revanche, nous arrivons bientôt à 20 ans. Quand pourrons-nous dire que nous avons des données de long terme ?
- Le risque relatif par rapport au tabac fumé est clair. Et pour le coup, le rapport exprime bien que la vape constitue une meilleure alternative et qu’elle peut être utilisée dans le cadre du sevrage. De même, la vape s’avère une bonne solution pour les populations précaires et/ou vulnérables ainsi qu’en milieu carcéral et psychiatrique. Et, bien sûr, la vape doit être utilisée en usage exclusif, le double-usage n’apportant que très peu de gain du point de vue de la santé du fumeur.
- La e-cigarette doit être traitée comme telle par les responsables politiques tout en restreignant l’accès au tabac fumé conventionnel. NDLR : Si nous comprenons bien la première phrase, cela voudrait dire que la vape ne doit pas être considérée comme un produit du tabac. Si l’interprétation est bonne, cela représenterait une avancée majeure dans la vision qu’ont les autorités de santé vis à vis du vapotage.
La nicotine
Le CSS insiste sur la distinction à apporter entre nicotine et tabac brûlé et fumé. La grande majorité des risques associés au tabagismes sont dus aux substances résultantes de la combustion incomplète du tabac et non à la nicotine. Malgré la dépendance induite par la nicotine, le risque pour la santé est faible par rapport aux sous-produits de la combustion. De nombreux fumeurs et ex-fumeurs pensent, à tort, que la nicotine est responsable des cancers du tabagisme.
D’autre part, selon le rapport de la NASEM (National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine), il existe des « preuves modérées » que le risque de dépendance est moindre en vapotant qu’en fumant.
De fait, le CSS estime que l’utilisation de la vape nicotinée peut jouer un rôle non négligeable dans les politiques de santé publique. La vape est moins nocive et peut donc présenter des avantages pour la santé en tant qu’alternative au tabac fumé. Les données à long terme étant insuffisantes, le CSS considère que vapoter devrait être un moyen temporaire d’arrêter de fumer. Il est donc conseillé d’arrêter de vapoter le plus rapidement possible sauf si les risques de rechute sont trop grands. Le CSS plaide donc pour une politique de limitation du tabagisme et du vapotage. Cependant, il ne faudrait pas qu’une limitation de vapotage et de la consommation de nicotine entrave l’objectif de réduction de la prévalence tabagique. Le tout en veillant à ce que la vape ne compromette pas la protection des non-fumeurs contre l’utilisation des e-cigarettes.
Pour certains fumeurs, il est préférable d’arrêter de fumer avec des TSN ou une e-cigarette, y compris à long terme si nécessaire
Pour les non-fumeurs, il est conseillé de ne pas consommer de produits contenant de la nicotine. Ainsi, les non-fumeurs peuvent éviter une dépendance pouvant les exposer aux dangers de la cigarette de tabac classique et (dans une moindre mesure) de la e-cigarette et des e-liquides (NDLR : « dans une grosse moindre mesure » eût été plus juste dans le propos).
L’effet passerelle
Ah, le fameux ! En Belgique, le vapotage régulier par les non-fumeurs est assez rare et plus fréquent chez les fumeurs et ex-fumeurs. Cela rejoint les conclusions de plusieurs études, dont une française, montrant que l’effet passerelle (passage du vapotage en première instance vers la cigarette) reste marginal.
Il est temps d’arrêter d’agiter l’épouvantail de l’effet passerelle comme argument anti-vape. L’adolescence est une période de défiance et d’expérimentations plus ou moins dangereuses. Dans ce contexte, il est bien préférable qu’un ado teste le vapotage plutôt que le tabac fumé. Ainsi, il y a très peu de chance que celui-ci devienne fumeur plus tard. Une fois l’effet de mode passé, arrêter de vapoter est beaucoup plus facile que d’arrêter de fumer.
Inégalités sociales
On le sait depuis longtemps, le tabagisme est l’une des principales causes d’inégalités en matière de santé. En premier lieu, parce que le tabagisme est fortement lié à la vulnérabilité sociale. Pour enfoncer le clou, et La Vape Du Cœur le constate tous les jours, le coût du tabac ne fait qu’entraîner encore plus les personnes en précarité dans l’abîme.
Selon le CSS, la vape peut apporter une aide significative dans la politique de sevrage tabagique dans les groupes vulnérables persistants. Cela est encore plus vrai dans le contexte carcéral et psychiatrique. Dans ce cadre, le CSS souhaite parvenir à des institutions totalement non-fumeurs : prisons, hôpitaux, établissements psychiatriques.
Conclusion
Le CSS souligne que la dissuasion du tabagisme doit jouer un rôle très important dans le contexte des débats sur la e-cigarette. Pour le responsables politiques, le risque absolu du tabac fumé doit prévaloir absolument sur celui de la vape. La Belgique a encore beaucoup trop de fumeurs et une baisse trop lente de la prévalence.
A partir de là, le CSS développe toutes ses recommandations sur à peu près tous les sujets concernant la vape. Ce rapport est très détaillé et très intéressant à plus d’un titre.
Bien que positif, ce rapport n’est pas exempt de lieux communs. On y sent encore un peu la dialectique du rapport SCHEER, paru en 2020. Mais ne boudons pas notre enthousiasme, il y a vraiment du mieux. Honnêtement, si notre ministère de la santé et le HCSP pouvait lire ce rapport attentivement, nous aurions une autre perspective de la réduction des risques en France. C’est le deuxième pays en Europe, après le Royaume-Uni, à enfin comprendre le potentiel de la vape dans une politique de lutte contre le tabagisme. Le CSS se trouve à 10mn de la Commission Européenne. Allez, un petit effort…